Djibouti – Carrefour de câbles sous-marins

Avec désormais 8 câbles sous-marins, Djibouti est le quatrième État le plus connecté du continent. En outre, depuis 2013, il abrite le premier Data Center de la région. Aujourd’hui, le pays se rêve en hub numérique régional.

En janvier 2020, l’opérateur public de télécommunications djiboutien, Djibouti Télécom, annonçait le déploiement de DARE 1 (Djibouti-Africa Regional Express 1), qui consiste en la mise en œuvre d’un câble sous-marin de communication en fibre optique, reliant les pays de la côte Est de l’Afrique. Ce huitième câble sous-marin qui atterrit à Djibouti permettra de relier la capitale à Mombasa, en passant par Berbara, Bosaso et Mogadiscio.

DARE 1 : une infrastructure clé dans un système de connectivité devenu stratégique

Avec 8 câbles sous-marins, Djibouti est le quatrième État le plus connecté du continent – Crédit photo World Bank – DR

D’une longueur de 5 000 km et d’un coût de 80 millions $, ce câble sous-marin doit assurer un débit de 36 Térabits. Il est réalisé par un consortium d’opérateurs de télécommunications d’Afrique de l’Est, dirigé par l’opérateur Djibouti Télécom qui en détient 80 %, avec Somtel (Somalie) et Telkom Kenya. « Avec une capacité élevée et une faible latence, le système DARE 1 offrira une route alternative vers l’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique, réduisant la congestion entre les systèmes existants, favorisant la concurrence et fournissant la capacité nécessaire à une région en expansion rapide » déclarait Mohamed Assoweh Bouh, directeur général de Djibouti Telecom, le jour du lancement. En attendant, DARE 2 qui reliera Dar es Salaam et Maputo, DARE 1 sera également connecté au réseau mondial, via plusieurs systèmes de câbles en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.

Territoire, le territoire le plus connecté au monde, per capita, Djibouti se rêve en hub régional

Alors que le gouvernement souhaite faire du numérique un levier, et un accélérateur de son développement, Djibouti se rêve en hub numérique régional. Une conquête dans laquelle s’est déjà lancée Djibouti Telecom. Unique opérateur présent sur le marché djiboutien, la compagnie seest imposée comme le « point de chute des câbles sous-marins d’interconnexion entre l’Europe, le Moyen Orient, l’Asie et l’Afrique », selon le directeur qui vise 400 millions $ US de chiffre d’affaires d’ici à 2025 (120 millions $ en 2018). Ainsi, en 2017, l’opérateur investissait dans l’Australia West Express Cable. À la suite d’un mémorandum d’entente avec la société GoTo Networks, spécialisée dans le déploiement de système sous-marin de fibre optique, le système relie la ville de Perth en Australie à la capitale Djibouti, participant à augmenter au passage la capacité de la connectivité Internet à haut débit du pays.

Djibouti Telecom a lancé l’année dernière son propre projet de câble sous-marin- Crédit photo Djibouti Telecom – DR

Accueillant désormais 8 câbles sous-marins – Gulf Bridge International (GBI), Transcontinental Europe India Gateway (EIG), EASSy, SEACOM, SEA-ME-WE 3, câble régional Aden-Djibouti, AAE-1 et SEA-ME-WE 5 – dont 3 internationaux, Djibouti est le territoire le plus connecté au monde en proportion de sa population (à peine 800 000 âmes). Et c’est principalement en raison de sa situation géographique exceptionnelle sur la Corne de l’Afrique, à l’entrée du détroit de Bab el-Mandeb, entre l’Afrique, les pays du Golfe et l’Asie, que Djibouti est apparue comme une terre d’accueil privilégiée pour ces installations.

Vers une économie de la donnée avec le Centre de données de Djibouti (DDC)

La sur-connexion actuelle a entraîné des activités annexes, dont le stockage de données. Depuis 2013, Djibouti abrite le premier, et unique à ce jour, Data Center de la Corne de l’Afrique. Le Centre de données de Djibouti (DDC), situé à quelques mètres de la station d’atterrissage internationale de câbles en fibre optique de Djibouti Telecom, est le premier centre de données de niveau 3 neutre en Afrique de l’Est, avec un accès direct à tous les principaux systèmes de câbles internationaux et régionaux reliant les marchés européens, du Moyen-Orient et d’Asie à l’Afrique. Il s’affiche comme « un hub de passerelle fiable et rentable pour de nombreux marchés et fournisseurs de services à la croissance la plus rapide en Afrique ». Un espace aménagé à la demande de la clientèle et qui reçoit d’ores et déjà les données de l’armée américaine, MTN, China Mobile, Facebook, etc.

Alors qu’un deuxième centre est prévu à Obock, à 235 km au nord de la capitale, destiné aux sociétés ainsi qu’aux administrations publiques, un protocole d’accord a été signé le 20 mars 2019, entre les sociétés Weco Weco, spécialisée dans les énergies renouvelables, et Telsam, dédiée aux équipements télécoms, et le gouvernement djiboutien représenté par Djibouti Telecom et la société d’Électricité de Djibouti (EDD), confirmant l’attractivité de Djibouti comme la plateforme IT régionale.

Le CTID, incubateur installé à Djibouti, accompagne les jeunes à profiter de ces révolutions technologiques – Crédit photo Ctid – DR

Et les investisseurs se multiplient. Ainsi, le fournisseur de services de télécommunications Sparkle a annoncé qu’il implantait son Hub IP dans le Centre de données de Djibouti, en vue de son expansion en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud. « Cette décision permettra à Sparkle de renforcer les performances de son service de transit IP mondial de niveau 1, Seabone, en fournissant une connectivité économique, de haute qualité et sécurisée aux OTT, FAI, fournisseurs de contenus et d’applications locaux et internationaux, a déclaré la compagnie, dans un communiqué document rendu public. En plus de Seabone, les clients peuvent bénéficier du service Ethernet Suite de Sparkle pour connecter différents environnements de données internationaux avec une flexibilité et une transparence maximales. » De même, le fournisseur mondial de solutions réseau de gros, IX Reach, a également ouvert un point de présence au DDC. Lequel doit lui permettre de fournir ses services de connectivité Cloud SDN (Software-Defined Network), de peering à distance et de services Ethernet en Afrique. IX Reach a justifié ce choix d’implantation par le caractère central de cette infrastructure neutre, de troisième niveau en Afrique de l’Est, bénéficiant d’un accès direct à tous les principaux systèmes de câbles sous-marins de fibre optique internationaux et régionaux reliant l’Afrique à l’Europe, au Moyen-Orient et à l’Asie. En somme, DDC est un carrefour de connectivité pour IX Reach. Annonçant le développement de nouveaux segments de marché comme l’Internet des Objets, l’Intelligence Artificielle (IA), un projet de Parc IT figure sur la feuille de route du gouvernement.

« Hier, Djibouti était une terre de rencontres et d’échanges pour les hommes et des biens matériels ; demain, ce sera une terre d’échange pour les biens numériques. »

« Le numérique sera essentiel à l’amélioration des conditions de vie des Djiboutiens, à l’expansion de notre économie, et au renforcement de notre position de pôle logistique et commercial pour la région. En tant que point d’arrivée des câbles sous-marins internationaux, Djibouti dispose à l’évidence d’atouts majeurs pour devenir un acteur-clé du numérique dans la région », rappelait, à ce titre, Radwan Abdillahi Bahdon, Ministre de la Communication. « Hier, Djibouti était une terre de rencontres et d’échanges pour les échanges entre hommes et des biens matériels ; demain, ce sera une terre de rencontres et d’échanges pour les biens numériques. Tel est notre challenge », surenchérit Ismaïl Omar Guelleh, Chef de l’Etat djiboutien.

Pour l’heure, le défi est de répondre à la problématique du chômage des jeunes, plus qu’urgente dans le pays [NDLR : le taux du chômage pour l’ensemble de la population active est de 45 % celui des jeunes de 20 à 25 ans avoisine les 80%]. « L’essor économique de Djibouti est inéluctablement lié à sa position de hub technologique et numérique » confirme Samatar Abdi Osman, fondateur du Centre de Technologie et d’Innovation pour le Développement (CTID) qui accompagne des jeunes porteurs de projets innovants et à fort impact dans les domaines des TIC. Si le jeune homme concède que le gouvernement Djiboutien, depuis plusieurs années, « a fait beaucoup d’efforts dans ce sens en lançant des vastes projets structurants », il ajoute : « pour que les TICs deviennent le véritable facteur d’accélération de la croissance et de la compétitivité de Djibouti, le renforcement du capital humain demeure un élément essentiel pour mieux appréhender cette révolution technologique et les métiers du futur. » D’où l’engagement du CTID. « En tant qu’incubateur spécialisé dans la formation, l’accompagnement de startups et d’appui aux porteurs de projets innovants axés sur le digital à Djibouti, le CTID a lancé ces 3 dernières années d’importants programmes de formations des jeunes dans le numérique dans l’objectif de renforcer leur employabilité (Code 4 Youth en partenariat avec UNICEF, Djibouti It Talent, Girl in ICT). En 2021, nous prévoyons de lancer le programme Horn Digital Academy pour renforcer l’employabilité des jeunes en les aidant à trouver une nouvelle activité grâce au numérique. »

De là à concrétiser le rêve du chef de l’État, de voir l’activité Tech assurer plus de revenus que le port, il n’y a qu’un pas… ou une phase de connexion.

Source : Digital Africa